» Comment les livres prennent soin de nous« , par Chantal Bel (bibl. Le Castelet), responsable de la formation.
Dans le cadre de la formation continue, la bibliothérapie a fait l’objet d’une présentation aux responsables de bibliothèque du secteur santé lors de leur réunion de rentrée le 6 octobre.
L’Union Nationale CBPT a mis en avant ce sujet dans le bulletin de liaison de Janvier 2025 et lors de la rencontre annuelle des responsables de formation le 30 septembre dernier en présence de Florence Gonçalvez, bibliothérapeute.
Qu’est-ce que la bibliothérapie ?
Elle consiste à « soigner par les mots », à « utiliser le livre en tant que soin ».
On connaissait déjà les vertus thérapeutiques de la lecture dans l’Antiquité mais le terme « bibliothérapie » n’apparait qu’en 1916 au Etats-Unis. La bibliothérapie y prend réellement son essor dans les années 30 grâce aux travaux de Sadi Petterson-Delanay (1889–1958), bibliothécaire en chef de l’hôpital des anciens combattants. Elle se développe essentiellement dans les pays anglosaxon et n’émerge en France que dans les années 2000.
On distingue 2 pratiques différentes :
- La bibliothérapie clinique: utilisée par les médecins, elle vise à traiter les troubles psychologiques reposant sur un diagnostic. Utilisée dans les pays anglosaxons, cette pratique est peu répandue en France. Il s’agit le plus souvent d’une prescription de livres adaptés au cas du patient.
- La bibliothérapie créative : elle a pour objectif d’accompagner les personnes qui présentent des troubles psychologiques légers, sans diagnostic médical préalable. C’est le domaine des bibliothérapeutes.
Zoom sur la bibliothérapie créative
C’est Régine Detambel (1), référence dans le domaine, qui nous donne la définition de la bibliothérapie créative : « La bibliothérapie créative est une animation culturelle relationnelle mobilisant divers outils (lecture à voix haute, écriture, dessin, carnets, médiation par les objets…) et permettant d’accompagner tous les publics en quête de sens, d’éveil ou d’apaisement, des enfants aux sujets âgés. Elle permet de se former à l’utilisation de textes pour « prendre soin ». »
Dans son livre « Les livres prennent soin de nous. Pour une bibliothérapie créative » elle met en avant les bienfaits que l’on peut attendre de la lecture : « Redynamiser l’imaginaire » en remettant en route les processus créatifs de la personne , permettre à la psyché de sortir de son isolement grâce à la « richesse des métaphores », celle des grands textes littéraires , rééequilibrer celui qui écoute grâce à la « magie de l’oralité » notamment celle du « fluide poétique » , générer des émotions par la « force langagière » qui met en évidence le sens multiple des mots , utiliser la « catharsis de la lecture » qui libère les émotions, offre une approche différente de la vraie vie dépourvue de violence et de douleur, ouvre le champ des possibles face aux difficultés. Enfin, Régine Detambel développe de concept de « Neurones miroirs » : toute pensée s’accompagne de micro-contractions musculaires. Quand on lit ou quand on écoute quelqu’un lire, l’effet positif se fait sentir sur le plan psychologique mais aussi physique.
Pourquoi évoquer la bibliothérapie auprès de bibliothécaires ?
Nous n’avons aucune légitimité en matière de bibliothérapie dans les établissements de santé car utiliser cette thérapie nécessite une formation et un accord des équipes médicales de l’établissement.
Pour autant, nous pratiquons sans le savoir une forme de bibliothérapie informelle qui se traduit par notre souci du bien-être du lecteur. Voici quelques exemples d’actions mises en œuvre dans nos biliothèques qui ont un impact positif :
- La création d’un espace zen, agréable.Un accueil bienveillant des lecteurs
- Un choix de livres adaptés au public de la bibliothèque, le conseil personnalisé aux lecteurs.
- La lecture à voix haute en atelier collectif ou en individuel, dans les bibliothèques et hors les murs. Les ateliers de partage autour de la lecture. Les ateliers d’écriture.
S’intéresser à la bibliothérapie permet de compléter ses connaissances de bibliothécaire : elle nous fait découvrir les phénomènes psychologiques et physiques qui génèrent le bien-être du lecteur. Elle donne ainsi plus de sens à notre action. Elle nous permet d’envisager sous un nouvel angle l’intérêt de la lecture à voix haute pour les personnes fragilisées en établissement de santé et en Ehpad.
(1 ) Régine Detambel est écrivaine et chargée de cours dans le cadre du DU Ethique et maladie d’Alzheimer à la Faculté de médecine de Montpellier, Chevalier des Arts et Lettres. Membre de l’Académie des Sciences et Lettres de Montpellier, dans la section Médecine, pour ses travaux en bibliothérapie
Pour en savoir plus :
Régine Detambel : Site internet : https://www.regine-detambel.com/
Florence Gonçalves : Site internet : https://lamagiedesmots.fr/
Etudes ou articles sur la bibliothérapie :
https://bbf.enssib.fr/matieres-a-penser/differentes-formes-de-bibliotherapie-en-france-et-a-l-etranger_70618 Bulletin des Bibliothèques de France
https://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/documents/70670-la-bibliotherapie-en-bibliotheque-une-pratique-qui-ne-dit-pas-son-nom.pdf Claudide Delodde 2022
https://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/documents/63412-la-bibliotherapie-aspects-et-aspects-et-applications.pdf Sylvie de Turkheim-Pey 1984
https://theses.hal.science/tel-00641546/document (Bibliothérapie et médecine générale) Pierre André Bonnet 2011