Rencontres du 22/01/2018 : La Serpe, de Philippe Jaenada

Loading

La serpeLA SERPE , roman de Philippe Jaenada, présenté le 22/01/2018 par Annie Olié-Le Junter (BPT St Gély)

Philippe Jaenada est né en 1964 à St-Germain en Laye. Ses premiers romans sont d’inspiration autobiographique, puis il se tourne vers le fait divers :
Sulak (2013), La petite femelle (2015) et La Serpe en 2017, couronné par le Prix Femina.

La Serpe est un gros pavé de 634 pages, d’une écriture très compacte, composé de 21 chapitres de longueurs très inégales.

Le fait divers :

Dans un château du Périgord, Henri Girard découvre, un matin d’octobre 1941, son père, sa tante et la vieille bonne, sauvagement assassinés à coups de serpe ; il est le seul survivant et tout l’accuse : il n’y a pas eu d’effraction , il a lui-même emprunté et affûté la serpe, arme du crime, deux jours avant aux voisins … et il est le seul héritier de cette famille de riches bourgeois !

Pourtant, au terme d’un procès retentissant Henri Girard est acquitté ; mais le doute subsiste, il reste considéré comme coupable par l’opinion publique, et le crime ne sera jamais élucidé.

En 1947 Henri Girard quitte la France pour le Venezuela où il sera convoyeur, chercheur d’or contrebandier … et revient deux ans plus tard.

« Le fils de famille, l’enfant gâté, le riche héritier est anémié, déprimé, il n’a pas d’argent, pas de métier, pas de logement, plus d’amis ».

Mais en 1950 il publie sous le pseudo Georges Arnaud, Le Salaire de la Peur adapté au cinéma par Clouzot.

Le ton de l’auteur

Jaenada s’empare de ce fait divers et va reconstituer toute l’enquête .

Ce qui est remarquable, c’est le ton choisi, le style Jaenada fait d’autodérision et d’humour.

Le livre s’ouvre et se referme sur une phrase tirée d’une enquête du « Club des cinq » ! et

dès la première page, l’auteur se met en scène, en route pour le Périgord au volant de sa Meriva de location. Il est complètement terrorisé parce qu’un voyant s’allume sur le tableau de bord, puis essayant tout de même de relativiser, il se dit que quand même, … «  dix-huit coups de serpe dans le dos , la malheureuse … » , c’est la première allusion au drame.

Le lecteur fait aussi connaissance avec sa famille, et tout le roman est un va-et-vient entre le passé de ses personnages et son propre présent.

Il évoque sa faiblesse pour le whisky Oban, ses relations de parigot avec les gens du cru, des souvenirs de famille ; il fait la promotion de ses romans antérieurs, toujours avec beaucoup d’humour dans le but, on peut penser, d’alléger le récit d’une histoire particulièrement sombre et sordide.

Le roman 

Dans le premier tiers du roman il présente la famille Girard et raconte par le menu la vie d’Henri dont il résume la personnalité dès la p. 21 : « sale gosse, capricieux, dépensier …  Mais il conclut p.141 : « Un bon gars, finalement. » qui s’est mué en justicier, prêt à tous les combats pour venir en aide à ceux qui en ont besoin et défendre les opprimés. »

A ce point du roman, nous connaissons tous les secrets de cette famille de riches bourgeois dont il a dilapidé la fortune, mais encore rien du fait divers lui-même.

Dans un deuxième temps , Jaenada raconte le drame : l’arrivée des différents protagonistes au château, les activités de chacun, minute par minute, la veille du crime, la première enquête, et finalement, le procès. Tout cela, avec pour toile de fond, la France de 1941, le gouvernement de Vichy et l’attitude de chacun face à l’occupant.

Et finalement, page 300, commence la contre-enquête de Jaenada

Avec une minutie impressionnante, il épluche les archives, tous les procès-verbaux, toutes les minutes du procès, tous les articles de journaux , les courriers de tous les protagonistes et même des personnages très secondaires, … et n’épargne rien au lecteur !

Au terme de ce travail de bénédictin, se dessine une autre interprétation possible des faits …

En conclusion ,

Un livre foisonnant, souvent très drôle grâce aux interventions de l’auteur et à ses digressions pleines d’humour. Mais on peut trouver excessive cette familiarité avec le lecteur et ces interruptions de la trame narrative.

D’autre part l’extrême minutie de la documentation plonge le lecteur dans la période de l’Occupation et les arcanes d’une famille, d’un procès assez trouble : soit on se délecte de tous les détails de l’enquête, soit on arrive très vite à saturation ; certains lecteurs abandonnent bien avant la fin.

Mais le talent de Jaenada, c’est certainement d’avoir donné vie à cet écorché vif, détestable mais jamais haïssable, Henri Girard, qui est un vrai personnage de roman.

Annie Olié Le Junter

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.