Roman « TOUT LE MONDE AIME CLARA », de David Foenkinos (Editions Gallimard – 208 pages – Prix 20 euros)
Fiche de lecture de Brigitte Mangoni, le 28 Mai 2025
L’AUTEUR : David Foenkinos
David Foenkinos est né en 1974. Il est romancier, dramaturge, scénariste et réalisateur. C’est parce que ses parents n’avaient pas de bibliothèque et qu’il a été gravement malade enfant, qu’il a dévoré les livres sur son lit d’hôpital. En effet, à seize ans, il est victime d’une infection à la plèvre, une maladie pulmonaire rarissime pour un adolescent. Opéré d’urgence, il passe plusieurs mois à l’hôpital. C’est sur son lit de convalescence qu’il commence à dévorer les livres, puis à peindre et à jouer de la guitare.
De cette expérience, il a gardé une pulsion de vie, une force qu’il a voulu retranscrire dans ses livres.
Il étudie les lettres à la Sorbonne et parallèlement la musique dans une école de jazz ce qui l’amène au métier de professeur de guitare. Le soir, il est serveur dans un restaurant. Après avoir vainement essayé de monter un groupe de musique, il décide de se tourner vers l’écriture.
C’est avec Le potentiel érotique de ma femme, qui obtient le Prix Roger-Minier en 2004, que la carrière de l’auteur connaît un premier temps fort, suivi par un second en 2009, avec La délicatesse.
Ce roman constitue le véritable tournant de sa carrière d’auteur. Le livre est encensé par la critique, notamment par Bernard Pivot, et se retrouve sur toutes les listes des grands prix littéraires : Renaudot, Goncourt, Fémina, Médicis et Interallié. Il obtiendra au total dix prix et deviendra un phénomène de vente avec l’édition Folio, qui dépassera le million d’exemplaire. Le livre est ensuite publié dans le monde entier, avec de grands succès comme en Allemagne ou en Espagne. Ce livre a été adapté au cinéma en 2011 et a connu un énorme succès.
Avec son roman Charlotte, il est Finaliste du Prix Goncourt, il obtient plusieurs autres grands prix littéraires, dont le Prix Renaudot et le Prix Goncourt des lycéens. Il obtient également le Globe de christal du meilleur roman de l’année 2014.
LE LIVRE :
C’est un livre qui parle d’amour, de l’estime de soi, de désillusions, de ruptures, du chagrin d’amour, du temps qui passe, du sens de la vie et de spiritualité mais aussi de hasard et de destin.
Le roman retrace l’histoire d’un couple Marie et Alexis qui ont une fille Clara, personnage clé du roman.
A 16 ans, la vie de Clara bascule après un très grave accident de la route. Les parents séparés, se retrouvent, se soutiennent psychologiquement devant ce drame et se relaient à l’hôpital auprès de Clara, dans le coma pendant de longs mois. C’est dans ce contexte qu’Alexis (père de Clara) s’inscrit à un atelier d’écriture, l’atelier d’Éric Ruprez, un écrivain qui a publié un seul roman, en 1982, « La Peur des secondes ». C’est le seul atelier qui avait de la place immédiatement. Cependant personne ne sait pourquoi Éric Ruprez n’a publié qu’un seul ouvrage. Alexis se met en quête du livre, complètement épuisé en librairie et ne le trouvera jamais. L’écrivain, Eric Ruprez ne parle pas, c’est un taiseux.
Le titre « Tout le monde aime Clara » sera expliqué par l’auteur assez tard dans le roman.
Dans la deuxième partie du roman, Clara se réveille de son coma, définitivement transformée et va bouleverser avec un don de voyance, la vie des gens autour d’elle et notamment celle de cet écrivain désabusé. Grâce à Clara et à son don, l’écrivain publiera à nouveau, lui qui avait jeté son manuscrit à la poubelle.
Un passage du roman est consacré à la visite du cimetière non catholique à Rome par Clara et ses parents, afin d’admirer la sculpture de l’Ange du Chagrin, réalisée par un homme mort de chagrin après la mort de sa femme.
L’auteur offre aux lecteurs en page 109, la photo de la sculpture.
(L’ange du chagrin) est une sculpture datant de 1894 sculptée par William Wetmore Story. Elle sert de tombe pour l’artiste et sa femme Emelyn Story au Cimetière non catholique de Rome.
Son nom complet, selon son créateur, est (L’Ange du Chagrin pleurant sur l’autel détruit de la vie). William Wetmore Story a perdu tout intérêt pour la sculpture à la mort de sa femme Emelyn, mais il est incité à créer le monument par ses enfants, qui le considèrent comme un moyen de garder le souvenir de sa femme. Contrairement à la représentation traditionnelle des anges sur les tombes, « cette sculpture dramatique à taille humaine parle davantage de la douleur de ceux qui restent ». Story lui-même dit à son sujet : « Elle représente l’Ange du Chagrin, en plein abandon, se jetant, les ailes pendantes et le visage caché, sur un autel funéraire. Elle représente ce que je ressens. Elle représente la Prostration. Pourtant, la fabriquer m’aide. » Cette sculpture sera la dernière oeuvre de William Wetmore Story. Il décèdera un an après son épouse et sera inhumé avec elle.
De cette visite, Clara fera un lien avec le professeur de son père qui a vécu une bouleversante histoire d’amour avec une femme décédée, nommée Mathilde.
Elle devinera le problème de l’écrivain et ses visions aboutiront à un renouveau dans la vie de cet homme.
MON ANALYSE :
Ce roman n’est pas vraiment une fiction, c’est une autofiction déguisée, celle de David Foenkinos. Sa renaissance après sa grave maladie lors de ses seize ans, lui a permis de découvrir la littérature et d’écrire. L’auteur croit aux forces de l’esprit. Il est à la recherche du hasard.
Ce livre n’est pas tant la vie de Clara, mais surtout celle d’un écrivain qui ne croit pas à son talent et qui a abandonné sa passion. Ce livre parle du destin, des désillusions de la vie, des lignes invisibles, des coïncidences qui n’en sont pas vraiment.
C’est l’acceptation de ses signes étranges autour de nous. Le thème principal dans ce roman à la fois poétique et sensible, porte sur la difficulté du métier d’écrivain et la création, puisqu’un personnage est confronté à ses propres limites, à ses peurs et reste depuis de nombreuses années en gestation. Deux mondes vont se rencontrer, celui de l’écrivain et celui de Clara. Chacun va apporter quelque chose à l’autre même si c’est improbable.
L’écriture est belle, riche et fluide comme toujours avec cet auteur.