Roman HOURIS, de Kamel Daoud – (Gallimard , Août 2024 – 416 pages) – Prix Goncourt 2024 –
présenté le 14 octobre 2024 par Nadège Plessis (bibl. de St Georges d’Orques) –
Aube est une jeune algérienne qui doit se souvenir de la guerre d’indépendance, qu’elle n’a pas vécue, et oublier la guerre civile des années 1990, qu’elle a elle-même traversée. Sa tragédie est marquée sur son corps : une cicatrice au cou et des cordes vocales détruites. Muette elle rêve de retrouver sa voix.
Son histoire, elle ne peut la raconter qu’à sa fille qu’elle porte dans son ventre. Mais a-t-elle le droit de garder cette enfant ? Peut-on donner la vie quand on vous l’a presque arrachée ? Dans un pays qui a voté des lois pour punir quiconque évoque la guerre civile !
Aube décide de se rendre dans son village natal, où tout a débuté, et où les morts lui répondront peut-être.
Le roman est une méditation sur la condition féminine, l’existence d’un monde patriarcal et le fantasmes des hommes qui emprisonnent les femmes.
Le titre fait références aux Houris, ces créatures mystiques de la tradition islamique décrites comme des compagnes promises aux hommes au paradis.
Nadège Plessis, le 14/10/24
Ce roman traite :
De la condition féminine, de la place des femmes et de leur rôle, imposé par la religion, la société et les hommes, notamment dans le contexte des sociétés arabo – musulmanes.
Du patriarcat et des fantasmes masculins souvent irréalistes et deshumanisants des homme vis à vis des femmes.
De la religion et des traditions avec la figure des Houris.
De la liberté et de l’oppression pour les femmes mais aussi la difficulté de se libérer des modèles de pensées enracinées.
Kamel Daous utilise une écriture à la fois poétique et incisive, pleine de réflexions philosophiques et politiques. Son style est dense et évocateur avec texte qui oscille entre le lyrisme et une critique froide des réalités sociétales.
Extrait :
« Je montre un grand sourire ininterrompu et je suis muette, ou presque. Pour me comprendre, on se penche vers moi très près comme pour partager un secret ou une nuit complice. Il faut s’habituer à mon souffle qui semble toujours être le dernier, à ma présence gênante au début. S’accrocher à mes yeux à la couleur rare, or et vert, comme le paradis. Tu vas presque croire, dans ton ignorance, qu’un homme invisible m’étouffe avec un foulard, mais tu ne dois pas paniquer. Dans la lumière, j’apparais comme une femme de taille élancée, exténuée, à peine vivante, et mon immense sourire figé ajoute au malaise de ceux qui me croisent. Ce sourire, illimité, large, presque dix-sept centimètres, n’a pas bougé depuis plus de vingt ans… »