Roman “Madelaine avant l’aube” de Sandrine Collette

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Roman : « Madelaine avant l’aube » de Sandrine Colette – (Ed. J.C. Lattes) 21 Août 2024 – 248 pages –
Par Brigitte Mangoni (B.P.T. St Georges d’Orques) – Rencontre autour des livres du 14 Octobre 2024 –

L’AUTRICE :
Sandrine Colette est une romancière française, née en 1970. Elle écrit des romans noirs, des thrillers psychologiques. Elle a un brillant parcours académique et obtient un Master de Philosophie puis, passionnée de Sciences Humaines, elle se spécialise en Sciences Politiques et soutient une thèse dédiée à la sociologie. Elle publie un premier roman en 2013 et propose depuis cette date, chaque année, un nouvel ouvrage.
Elle a obtenu plusieurs récompenses dont le prix Renaudot des lycéens en 2022 pour le roman « On était des loups », livre noir, puissant, évoquant le deuil mais aussi la paternité.Elle a écrit « Juste après la vague », roman noir dont le récit est fascinant et les personnages complexes. Ce livre parle de la nature contre laquelle les Hommes ne peuvent rien, mais aussi de l’instinct maternel et de l’amour d’une fratrie.
Dans tous ses romans LA SURVIE est omniprésente.

LE LIVRE :  « Madelaine avant l’aube », son dernier roman est d’ores et déjà sur la deuxième liste des livres sélectionnés pour le prix Goncourt 2024. Je vous le présente.



Nous sommes au cœur du Morvan, début XVIIIème siècle. D’un côté il y a les gueux (Sandrine Colette ne dira jamais paysans), de l’autre les maîtres qui les terrorisent, les affament, et possèdent les terres.
Nous sommes dans un univers rural, dans une atmosphère de vieux conte. Les paysans sont ritualisés, ils travaillent dur pour se nourrir et sont soumis.
L’histoire se passe dans un minuscule hameau surnommé « les montées ». Ici trois petites maisons sont regroupées sur une colline. Elle y abrite 3 familles, la vielle Rose, Ambre et son époux Léon, ils n’ont pas d’enfant. Et enfin, Aelis, la sœur jumelle de Ambre, ses 3 fils et son époux Eugène.
Le climat est meurtrier et la terre avare, elle ne nourrit pas les siens. Les gueux travaillent dur pour subsister et pourtant ils connaissent la faim et en meurent. Certains hivers s’éternisent jusqu’à l’été et c’est la famine. Les paysans travaillent pour les maîtres. Ils le font comme l’ont fait leurs ancêtres, avec abnégation, résilience, acceptant toujours l’injustice, la violence, que connaissent-ils d’autre ? Que sont-ils sinon des gueux ? Ils sont fatalistes. Ils sont liés à cette terre et ne partiront jamais. Leurs aïeux ont subi le même sort. Ils vivent au jour le jour, on ne pense jamais au lendemain. On survit.
Un jour, surgit des bois une fillette en haillons, au fort tempérament. Les habitants du hameau la nommeront Madelaine. Ses parents ont sûrement été emportés par la famine. Le hameau et ses 3 familles l’adopteront. Elle est affamée, sauvage, insoumise et apte à la révolte. Elle est différente. Le monde de la domination ne lui parle pas. La peur lui est étrangère; pour exemple, elle ira même voler le gibier des forêts interdites (celles des maîtres), il faut bien survivre ! Elle ne connaît pas l’autocensure. Madelaine va apporter aussi à ces trois familles la vie et l’amour. Elle se rebellera contre l’ordre des choses, jusqu’à produire L’IMPENSABLE.

Thèmes abordés : Enfance, Nature, Pauvreté, Famine, Froid, Servitude, Droit de cuissage, Viol, Violence.

Extraits :
« Et c’est cela la vie, crever ensemble sans autre solution, sans Dieu pour sauver le monde, un Dieu qui a déserté depuis longtemps cette région hostile. Les plus forts gagnent le droit de regarder mourir ceux qu’ils aiment. Les plus forts volent les plus faibles pour vivre encore un jour ».
« Nous avons l’habitude d’être vigilants. Nous avons l’habitude d’écouter. Ce monde n’offre ni promesses ni certitudes en dehors du fait que nous mourrons sans doute trop tôt, nos existences sont courtes, sauvages, éreintantes. Mais comme dit Eugène : « c’est normal ». C’est la vie de nos parents, et de leurs parents avant eux. Un monde qui ne change pas. Nous là-dedans, au bout des terres les plus lointaines, nous sommes immuables, telles les forêts anciennes qui nous entourent. Nous pourrions être les personnages des histoires que les conteurs colportent depuis toujours, à une différence près – ici, les histoires ne finissent pas bien. Les rois ne sont jamais venus enlever une de nos bergères, ou alors pour la violer, pas pour en faire une reine ».

Mon analyse :
Avec Madelaine avant l’aube, Sandrine Collette soulève des problèmes de société comme les liens de famille, l’injustice, la pauvreté extrême, la famine, la résignation, mais aussi la révolte, l’animalité.
Ce roman est un roman sauvage. Il secoue le lecteur. Il est une fois de plus d’une grande originalité, comme tous les précédents livres de Sandrine Collette. Il est noir mais puissant, dur par ses thèmes et ses descriptions.
Sandrine Collette écrit là un récit fascinant dont on ne peut se détacher. Son écriture est fluide, riche, éblouissante.

Brigitte Mangoni, le 14 octobre 2024

4 réflexions au sujet de “Roman “Madelaine avant l’aube” de Sandrine Collette”

  1. J’ai été fascinée par ce livre
    La misère, la faim mais malgré cela une magnifique solidarité familiale avec un style merveilleux
    À lire vraiment et à proposer en bibliothèque

  2. Je n’avais jamais lu Sandrine Collette, mais sûr de sûr, je vais la découvrir avec Madelaine avant l’aube !
    Merci Brigitte de nous avoir si bien retracé le parcours de cette famille qui lutte pour sa survie, et pour tes propos laudatifs sur l’écriture de cette autrice, que tu qualifies d’éblouissante.
    Je perçois qu’on va aussi découvrir l’aube salvatrice.

  3. Merci, Brigitte, pour ce beau commentaire… Ton style ressemble presque à celui de Sandrine Collette ! Tu l’as vraiment bien analysé…Je suis entrain de le lire et j’ai hâte de connaître “l’Impensable” ! Mais, même sans cet “impensable”, je suis déjà totalement séduite par le style, et l’analyse psychologique de chaque situation , pourtant banale, décrite par l’écrivain. Ce roman est intelligent, profond et j’oserai dire “poétique”. Chapeau l’artiste !
    En lisant ce livre, j’ai eu froid, j’ai eu faim, j’ai été fatiguée …. tout en étant confortablement assise dans mon fauteuil bien au chaud. Vive la littérature qui nous fait oublier, le temps d’un instant, notre grand confort. C’est notre Aventure de lectrice-bibliothécaire. Saisissons !

    Patricia Laurentin

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