Rencontre autour des livres du 8 octobre 2018. Mireille Valcarcel présente :
“ÁSTA “, de Jón Kalman STEFÁNSSON,
Traduit de l’islandais par Eric Boury (Saga Ástu). Ed. Grasset, 491 pages, août 2018,
Dans ce roman, l’amour, passionnel ou familial, et la brièveté de l’existence sont au cœur d’une saga envoûtante, poétique et lyrique contée admirablement par l’écrivain islandais.
« Il est impossible de raconter une histoire sans s’égarer, sans emprunter des chemins incertains, sans avancer et reculer, non seulement une fois, mais au moins trois — car nous vivons en même temps à toutes les époques », est-il glissé dans la voix d’un écrivain, un des personnages d’Ásta, qui nous raconte cette histoire.
L’histoire d’Ásta (un prénom dérivé du mot amour, « ast » en islandais) et des siens nous est aussi contée par le biais des souvenirs désordonnés de Sigvaldi, son père, dans un désordre qui brasse la chronologie. Une vie.
Mais les destins mêlés d’Ásta, de Sigvaldi, d’Helga sa mère, et des autres ne nous parlent de rien d’autre que de la vie ordinaire, de la place centrale qu’y occupe l’amour dans toutes ses nuances, et en dépit de ses défaites :« Fallait-il que je meure pour te prouver que tu ne saurais vivre sans moi ? », écrit à Ásta, Jósef qui fut son grand amour, son échec et son éternel chagrin. Stefánsson ne nous parle de rien d’autre que de la compassion pour tout ce qui vit et qui souffre. C’est la capacité d’aimer qui confère à l’existence humaine son intensité et qui la justifie, murmurent en chœur les personnages d’Ásta. Le frère de Sigvaldi lui confie, un soir d’intimité : « D’ici trente, quarante ans, et crois-moi, ces années passeront plus vite qu’on n’oserait le croire, ce sera comme si ni toi ni moi n’avions jamais existé, malgré tout le bagage que nous portons en nous. Nous mourons et tout meurt avec nous […] Le temps efface tout. C’est une loi implacable. Il t’effacera aussi. »
L’amour seul défie cet immuable effacement, lui répond Stefánsson