“Une sortie honorable”, d’Eric Vuillard
ÉDITEUR : Actes Sud collection « Un endroit où aller »
Éric Vuillard, né le 4 mai 1968 à Lyon, est un écrivain, cinéaste et scénariste français, ayant remporté le prix Goncourt en 2017 avec Son récit intitulé L’Ordre du jour qui relate plusieurs épisodes des prémices et du début du Troisième Reich.
Il est invité de «10 jours en mai», le samedi 21 mai 2022 à Montpellier.
“Une sortie honorable” est le récit documenté d’un épisode sans gloire de l’histoire coloniale française. Il est constitué d’une succession de portraits et de situations plus ou moins connectées mais faisant part du même événement historique : les quatre dernières années de la guerre d’Indochine (la guerre a duré de 1946 à 1954).
Avec une précision, une efficacité un rien brutale et un humour ironique, l’auteur met en pleine lumière les mécanismes de l’ombre, les tractations dans des salons feutrés qui décident de l’histoire tandis que des hommes triment et sont maltraités (coolies employés des plantations et mines) et que des soldats (originaires des colonies françaises en l’occurrence), meurent pour permettre à d’autres de s’enrichir.
On peut distinguer quatre parties dans ce roman (ou récit) :
En une sorte de préambule rapide non dénués d’humour grinçant (un chapitre de 10 pages sur les 200 que compte le roman) Éric Vuillard pose, via deux faits datés de 1923 et 1928 les conditions dans lesquelles la colonisation de l’Indochine est acceptée et vécue par le Français (touriste et/ou industriel).
Le sujet de la fin de la guerre commence réellement avec la séance de l’Assemblée Nationale présidée par Edouard Herriot du 19 octobre 1950, dix jours après la défaite de Cao Bang et la décision de ne pas négocier et donc de prolonger la guerre qui se terminera quatre ans plus tard.
Puis vient la description de cette fin de guerre pour les militaires.
Le Général de Lattre de Tassigny qui part défendre la guerre d’Indochine et demander de l’aide, entre autre aux Etats-Unis, le Général Henri Navarre commandant en chef des forces françaises en Indochine chargé en 1953 de trouver une sortie honorable et dont l’entêtement mènera à la cuisante défaite de Diên Biên Phu …
Et lorsque à la fin l’auteur nous ouvre les portes du conseil d’administration de la Banque de l’Indochine, on est sidérés par tant de cynisme car la banque a gagné énormément d’argent tandis que tombaient les soldats dans cette guerre inutile. Sans parler du microcosme élitiste que forment les hommes d’affaires : la description des généalogies et liens est un bijou d’ironie réaliste.
Le style de Éric Vuillard est époustouflant, les mots sont précis, concis, percutants mais peut aussi quelque fois s’étirer en phrases de trois pages avec la même intensité ! P 142.
L’ironie y est sobre et efficace.
L’intrication des intérêts économiques et des enjeux militaires est décortiquée avec un incroyable souci d’exactitude sans que pour autant le récit se perde dans des détails superflus.
Une sortie honorable est un livre que l’on a envie de relire, pour comprendre comment l’écrivain réussit si bien à relater des faits, nous laisser entrevoir et imaginer les émotions et sentiments des protagonistes de ces événements. et décrire en peu de mots la marche du monde et les intérêts qui construisent l’Histoire.