L’ordre du jour , prix Goncourt 2017, est un récit de Eric Vuillard, publié chez Actes Sud, et dont voici la présentation faite par Denise Delterme le 4/12/2017.
C’est celui qu’on n’attendait pas (paru en mai, pas un roman, édité par l’ex maison d’édition de la Ministre de la Culture . ..) les honorables jurés du Goncourt ont osé … Eric Vuillard , né en mai 1968, est écrivain, réalisateur, scénariste ; il est l’auteur de 9 récits ou romans et lauréats de plusieurs prix. Depuis 2012 il est édité par les éditions Acte Sud dans la collection « un endroit où aller »
Quelques titres chez Acte Sud dans la même collection Tristesse de la terre une histoire de Buffalo Bill- (2014) -14 juillet2016
La marque d’ Eric Vuillard, me semble-t-il, est de prendre l’Histoire ou les récits devenus mythiques sous un angle non choisi par les historiens : il nous donne à voir ce que l’on ne nous dit pas, cela grâce à l’immense documentation dont il sait se doter.
Dans le récit l’Ordre du jour, il ne déroge pas à la règle, au fil du texte nous découvrons la référence à divers documents: une photo soigneusement retouchée retrouvée à la Bibliothèque Nationale, un extrait des Mémoires de Churchill, du chancelier d’Autriche, un article de J. Kessel, des passages des films de propagande du Troisième Reich. Les protagonistes du récit ont pour patronyme Hitler, Ribbentrop ,Goering, les lieux principaux sont Berlin, Vienne, Londres; le principal évènement du récit est l’invasion brutale par Hitler de l’Autriche –l’Anchluss : on ne peut parler de roman. L’auteur est omniprésent dans le récit, par ses jugements, ses nombreuses interpellations au lecteur: on ne peut parler d’ouvrage d’Historien dont on sait la rigueur, l’objectivité (du moins l’intention).
Ce récit de 150 pages, divisé en 16 chapitres nous raconte la deuxième guerre mondiale : bien que l’histoire s’ouvre sur le lundi 23 février 1933, il s’attarde sur les évènements précédents : l’Anchluss en 1938, la tragédie des victimes des camps, les prolongements d’après guerre, comme le procès de Nuremberg . L’auteur décrit essentiellement la stratégie du dictateur Hitler pour s’emparer de l’Europe, dont des épisodes très rocambolesques.
D’une plume trempée au vitriol, mais usant aussi de toutes les séductions de l’humour et de l’ironie, Eric Vuillard nous décrit d’abord, par des portraits dignes d’un Daumier, ces 24 industriels allemands ce 23 février1933, à la fois grotesques et pathétiques : c’est sans hésitation qu’ils donnent des sommes énormes au financement du parti nazi. Au fil du texte des épisodes nous peignent cette bonne société européenne très policée qui ne veut pas voir, ou fait semblant d’ignorer les dangers des projets d’Hitler « les démocraties européennes opposèrent à l’invasion une fascination résignée »
Dans ce court livre E. Vuillard me paraît être un lanceur d’alerte, les descendants des Krupp, des Dietrich et autres sont toujours dans notre monde : « On ne tombe jamais dans le même abîme, mais on tombe toujours de la même manière dans un mélange de ridicule et d’effroi »
Ce récit est d’une lecture aisée, le scénariste E. Vuillard ,nous donne à vivre des scènes, des dialogues ; à travers son écriture qui manie tous les registres ,il réveille nos mémoires , à la manière des poètes, il dévoile, dépoussière les choses que nous pensions savoir pour toujours
J’ai eu beaucoup de plaisir à découvrir ce livre, et le recommanderai à tous les lecteurs curieux, mais pas seulement : une chroniqueuse littéraire a vu dans L’ordre du jour « un livre de moraliste d’une portée universelle »