Rencontre avec Manuel Vilas – Comédie du Livre 2024

Rencontre avec Manuel Vilas – ( Comédie du livre de Montpellier en Mai 2024 ) –
par Chantal Bel –

                      Manuel Vilas

Manuel Vilas est un poète, écrivain et essayiste espagnol. Il débute sa carrière par la poésie puis se consacre à la rédaction de chroniques littéraires pour divers médias. Il vit aujourd’hui dans l’Iowa où il enseigne l’écriture créative. “On Air”, son premier roman, a été primé en Espagne en 2009. Manuel Vilas recevra le prix Femina étranger 2019 pour son récit autobiographique « Ordesa ». (La suite de ce premier volume sera publiée en 2021 sous le titre « Alegria »).

C’est à l’occasion de la Comédie du Livre 2024 que j’ai découvert cet auteur. Son roman « Irène » est publié en France en début d’année mais je préfère découvrir son œuvre en lisant « Les baisers », roman paru en 2022. Déjà conquise par cette première lecture, j’ai choisi d’assister à son interview. Cela m’a permis de mieux appréhender les thèmes chers à cet auteur que l’on peut retrouver dans ses récits autobiographiques comme dans ses romans de fiction. J’ai découvert aussi à cette occasion un écrivain chaleureux, généreux, en connexion avec le public par-delà le barrage de la langue.  Large sourire et humour font partie intégrante de son langage et il conclut d’une anecdote toutes ses interventions y compris sur les sujets les plus sérieux. En fin d’interview Manuel Vilas nous embarque dans un voyage poétique en lisant un sonnet de Francisco de Quevedo, poète baroque espagnol.

                                               

L’amour est le personnage principal des romans de Manuel Vilas « L’amour est fondamental dans notre société, on n’a rien inventé de mieux. » affirme-t-il. Il questionne toutes les formes d’amour, du coup de foudre à l’amour absolu, en décortique les ressorts dont les baisers : « Personne ne saura jamais ce que sont les baisers, pourquoi ils existent, ni ce qu’ils signifient vraiment. Ils ont un pouvoir inconnu. Les baisers, tout est là ». « C’est mon obsession profonde de savoir pourquoi l’amour ne dure pas. » affirme-t-il. Pour Manuel Rivas, il faut avoir foi dans la joie. La vie sans l’humour est insupportable. D’ailleurs, son cinéaste préféré est Fellini pour le don qu’il possède de célébrer la vie par le burlesque, la comédie, l’humour.

La mémoire est aussi un thème récurrent. Après avoir vécu l’expérience du deuil de ses parents, il affirme la capacité de chacun à rester en contact avec les êtres chers qui ne sont plus là. Il considère qu’il s’agit là de l’un des mystères de la condition humaine. Mais les souvenirs s’effacent peu à peu. Alors on s’invente son propre passé. Et nous y croyons. C’est là aussi fondamentalement humain.

Il nous parle aussi de l’Espagne au travers de son histoire : le franquisme est toujours présent en toile de fond de ses récits : « Pour un auteur espagnol, il est impossible d’écrire sans parler du franquisme. C’est un poids énorme ». Il porte un regard sans complaisance sur son pays. « … dans ce pays, la politique et l’Histoire (sont) toujours constituées de colère et d’ordures…Mais l’Espagne est aussi le paradis de la beauté et de l’amour. Ou peut-être le pays de la moquerie, de la tromperie. » (Salvatore dans « les Baisers »).

En parallèle avec l’intrigue de ses deux romans de fictions, il revisite la littérature espagnole : Don Quichotte est l’un des personnages clés du roman « Les baisers » pour son amour passionné pour Dulcinée mais aussi parce que le roman de Cervantès nous offre une vision du monde et des hommes qui reste d’une grande actualité. Lors de son interview, Manuel Rivas compare « Irène » à Don Quichotte : ces deux personnages romanesques ont en commun de chercher à sublimer leur vie, à l’embellir. « S’il nous reste quelque chose de totalement gratuit dans ce monde capitaliste, c’est l’imagination et sa force pour rendre nos vies plus belles ». Manuel Vilas nous fait découvrir également Francisco des Quevedo dont il nous lit le sonnet « Constance de l’amour au-delà de la mort » qui est repris dans son dernier roman pour illustrer les sentiments d’Irène.

Manuel Vilas nous emporte bien au-delà du simple roman de fiction vers une réflexion plus profonde sur la vie et le monde. J’ai été conquise par sa plume poétique, généreuse, surprenante.

Chantal Bel, le 28 mai 2024

 

 

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