JULIENNE,
Roman de Scholastique MUKASONGA –
Editions Gallimard – 2024 –
par Danielle Keller (bibl. St Clément de Rivière), le 23 octobre 2024 –
L’AUTEUR –
Scholastique Mukasonga est née dans le sud-ouest du Rwanda au bord de la rivière Rukarara.
Lorsque qu’éclatent en 1959, les premiers pogroms contre les Tutsi , sa famille est déportée, à Nyamata au Bugesera une région de brousse alors très inhospitalière. Alors que seulement 10% de Tutsi était autorisé dans les établissements secondaires, elle réussit à rentrer au lycée N-D de Citeaux à Kigali puis à l’école d’assistante sociale à Butare mais en 1973, elle part en exil au Burundi, les élèves Tutsi étant, avec les fonctionnaires chassés.
Elle travaille ensuite pour l’UNICEF , arrive en France en 1992 et ayant passé le concours d’assistante sociale, elle exerce cette fonction à l’université de Caen, puis devient mandataire judiciaire auprès de l’Union départementale des associations familiales du Calvados.
En 1994, 37 membres de sa famille sont assassinés durant le génocide de Tutsi et c’est seulement en 2004 qu’elle a le courage de retourner au Rwanda. C’est à la suite de ce retour qu’elle commence à écrire.
Dès son premier livre -récit autobiographique- , Inyenzi ou les Cafards elle rencontre un grand succés ,tant au niveau national qu’international, et ses ouvrages sont récompensés par de nombreux prix. Son roman, Notre-Dame du Nil, obtient le prix Ahmadou-Kourouma à Genève2, le prix Océans France Ô3, et le prix Renaudot 2012. Ce roman a donné lieu en 2019 à une adaptation cinématographique, dont le réalisateur est Atiq Rahimi.
Le 2 juin 2021, Scholastique Mukasonga intègre le jury du prix Femina.
LE ROMAN
« Ce qui sortira de mon ventre , pensait Estellia – et elle avait un peu honte de penser cela- garçon ou fille, il ne sera pas vraiment désiré, un petit être voué au malheur puisqu’il va naître au sein même du malheur »
Ainsi commence le roman , par la naissance d’une petite fille ( 6ème enfant de la famille) auquel son père donne le nom de WAMUKUZA, un nom qui porte malheur. Elle sera appelée par sa mère « Julienne » nom attribué par un missionnaire lors de son baptême.
C’est auprès de sa grande sœur, Lidia que la petite Julienne va trouver l’affection et se construire.
Lorsque Lidia part pour KIGALI suivre ses études et est contrainte de s’exiler au Burundi, Julienne n’a qu’un seul désir, rejoindre sa sœur.
Le roman nous décrit les difficultés et les épreuves rencontrées par Julienne dans son enfance et aussi sur les chemins de l’exil.
Au Burundi, elle fait la connaissance d’un affairiste belge qui ne l’épouse pas mais l’emmène avec lui à Bruxelles.
C’est à Bruxelles qu’elle rencontre Julien et l’amour avec le quel elle peut reconstruire sa vie mais….
A travers l’histoire de Julienne, Scholastique Mukasonga, évoque celle de sa sœur . Toutefois cette destinée s’inscrit dans un contexte spécifique bien mis en évidence par l’auteur :
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la famille et le rôle prédestinés des femmes rwandaises :
la plénitude de la maternité : avoir 7 enfants et porter le urugori « couronne de maternité »
La charge de nourrir la famille « C’était bien le travail acharné des femmes dans leurs champs disputés à la brousse et à ses animaux sauvages qui avait permis aux déplacés de Mayange de survivre » ;
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l’Afrique post coloniale, terrain des affairistes et de la corruption ;
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le sort des Tutsis ostracisés , déportés, et finalement massacrés ;
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les durs chemin de l’exil mais aussi la fraternité des communautés africaines ;
Dans un style limpide et précis, factuel, elle retrace le parcours émouvant d’une jeune africaine .
Danielle Keller, le 23 octobre 2024