Roman “Cabane”, de Abel Quentin, (éditions L’observatoire, Août 2024, 477 p.) –
présenté par Annie Le Junter (bibl. St Gely du Fesc), lors de la rencontre du 14 Octobre 2024 –
L’AUTEUR
Abel Quentin, de son vrai nom Albéric de Gayardon est né à Lyon en 1985. Après ses études à Sciences Po, il devient avocat pénaliste et défend en particulier un des islamistes au procès des attentats du 13 novembre 2015. (Parenthèse people : sa compagne est l’écrivaine Claire Berest)
Ses publications, toutes aux Editions de l’Observatoire :
2019 – Sœur un thriller politique sur la radicalisation islamiste (Prix Première)
2021 – Le voyant d’Etampes , couronné de plusieurs prix dont le Prix de Flore
2024 – Cabane
LE ROMAN
Cabane, un gros livre de 477 pages, se compose de 5 grandes parties plus 4 autres plus courtes à la fin. Les paragraphes sont très compacts mais malgré le sujet, qui peut paraître sévère, la lecture n’est pas ardue car le ton est souvent familier et témoigne d’un certain détachement de l’auteur par rapport aux personnages qu’il croque avec beaucoup de verve et souvent avec une ironie assez mordante.
De quoi est-il donc question ?
Le Rapport 21
A l’origine, un fait réel :
=> Au début des années 1970, le Club de Rome commande aux chercheurs du MIT (*) un rapport sur « Les limites de la croissance », connu sous le nom de Rapport Meadows dont les conclusions – catastrophiques ! – auront un grand retentissement à l’époque.
(*) MIT, Massachusetts Institute of Technology est un institut de recherche américain et une université, spécialisé dans les domaines de la science et de la technologie. Il est considéré comme une des meilleures universités du monde.
On découvre que les ressources de la Terre sont limitées, que si nous continuons à l’exploiter de la manière dont nous le faisons, on arrivera à son épuisement complet, et ce modèle entraînera, au XXIème siècle, l’effondrement total du système mondial.
Dans son roman, Abel Quentin s’inspire librement de ce rapport.
Là, les recherches ont lieu, non plus au MIT mais à l’Université de Berkeley, en Californie et elles sont menées au Département de Dynamique des Systèmes par quatre jeunes chercheurs : un couple d’Américains, un Français et un Norvégien.
Après avoir présenté leurs recherches, Quentin analyse leurs réactions à la découverte des résultats.
Sur les 9 scénarios pondus par Gros Bébé, l’ordinateur antédiluvien sur lequel ils ont travaillé pendant deux ans, les réponses ne sont pas très réjouissantes :
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Un seul scénario permettait d’envisager une issue favorable, mais c’était au prix d’un contrôle des naissances immédiat et draconien, et d’un changement non moins radical des modes de vie, de consommation et de production des habitants de la planète.
(Lectures p 32 et 34)
Lorsque les jeunes chercheurs californiens présentent leurs résultats aux commanditaires, décideurs, industriels, hommes politiques, leur réaction n’est pas, loin de là, celle espérée : trop alarmiste, trop politique, ne correspond pas à leurs attentes !
Personne ne voulait entendre ce « rapport de l’Apocalypse » qui empêche de consommer, de vivre… et de s’enrichir !
Redoutant que leurs deux années de travail soient totalement enterrées, c’est donc « sous la forme d’un livre clair et pédagogique pour lui offrir une large audience » que leurs résultats sont publiés. Traduit en plusieurs langues, c’est le Rapport 21 qui se vendra à 15 millions d’exemplaires. Mais la suite du roman va montrer quel a été son véritable impact.
Les personnages
De façon assez classique le roman déroule ensuite la vie des quatre chercheurs, chacun suivant au fil des décennies des parcours différents, symbolisant ainsi les attitudes possibles face à la catastrophe annoncée :
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Lutter et choisir un mode de vie en accord avec ses idées, comme les Américains,
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Vivre dans le déni et profiter de ses compétences pour s’enrichir. C’est le choix du Français,
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Ou tout simplement disparaître, comme le Norvégien …
Cette disparition permet à l’auteur d’introduire un nouveau personnage, un journaliste, qui part en quête du chercheur disparu. … et c’est là qu’enfin on découvre le sens du titre du roman, « Cabane ».
Cette dernière partie est à mon sens la moins réussie mais les thèmes développés dans le roman, la réflexion sur l’épuisement des ressources et le déni collectif est un reflet assez fidèle de notre humanité qui danse sur un volcan et vit encore avec beaucoup d’insouciance au bord de l’abîme.
Annie Olié Le Junter
Bibliothèque de Saint-Gély du Fesc