Deux romans coup de cœur

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Par Françoise Pasco, le 18 mai 2021

Après Peindre, pêcher et laisser mourir, Peter Seller nous revient avec un très La rivière par Hellerbeau roman d’aventures : deux jeunes américains sont partis pour un voyage en canoë dans le grand nord canadien. Ils sont jeunes, bien entraînés, partagent une belle amitié, bref, tout va bien … mais le drame les rattrape, un gigantesque incendie les talonne, et ils croisent quelques personnages très dangereux. L’auteur lui-même aventurier habitué aux grands espaces nous livre de magnifiques descriptions de la nature sauvage, des parties de pêche à la mouche dignes de Et au milieu coule une rivière, et une construction au cordeau, un suspense parfaitement maîtrisé.  Ce roman nous tient en haleine jusqu’à la dernière ligne et on le referme avec des images plein la tête.

 

Paresse pour tous par Klent

Dans un tout autre genre, ici, le héros est un économiste couronné par le prix Nobel, qui se laisse convaincre de se présenter à l’élection présidentielle de 2022 avec pour slogan : Droit à la paresse pour tous, et pas seulement pour “la catégorie des plus paresseux de France : ceux qui vivent des rentes de leur capital”. Semaine de 15h, échelle des salaires de 1900€ à 6000€ , et du temps libre pour le bénévolat, la culture du potager, la culture, la solidarité, le rêve … “Je suis la voix de ceux qui veulent que la vie ne se résume pas au travail, à la croissance, à la consommation”, dit le candidat Emilien Long. Le livre raconte sa campagne électorale et s’appuie sur des faits économiques tout-à-fait réels qui rendent cette utopie parfaitement réaliste. Uchronie, utopie … certes mais qui fait réfléchir sur ce que nous voulons pour le monde d’après et nous ouvre les yeux sur ce qui nous attend si rien ne change. A la fois drôle, plein de tendresse, mais effrayant sur le font, c’est une lecture qui fait du bien et qui bouscule nos stéréotypes. On doit y penser si l’on veut que dans 20, 30 ans des jeunes gens puissent encore réaliser leur rêve de descendre en canoë les rivières sauvages du grand nord.

Roman “Vivre avec nos morts” de Delphine HORVILLEUR

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Delphine HORVILLEUR « Vivre avec nos morts »Ed. Grasset  –  Mars 2021   – 19,50 €  – 222 pages

Lecture de Patricia Laurentin – Mai 2021 .

(P.82) « A la mort de ma grand-mère, on m’a tenue à distance. Je n’ai pas été conviée à son enterrement. J’avais 12 ans ». En pensant à certains épisodes de sa jeunesse, Delphine Horvilleur est maintenant Rabbin, confrontée à la vie… à la mort …

Delphine Horvilleur nous emmène sur la route de ces familles endeuillées, un peu perdues face au défi de la mort. Très imprégnée de sa culture juive, elle essaye de donner un sens a ce qui semble ne pas en avoir. Pour elle, « vivre avec nos morts », ce sont ces petits cailloux qu’elle dépose sur la tombe de son amie Elsa. Ces cailloux, mieux que des fleurs qui se fanent, « racontent la place inaltérable qu’occupent les disparus dans la vie de ceux qui leur survivent. (…) C’est déclarer à celui ou celle qui repose dans la tombe que l’on s’inscrit dans son héritage », nous dit-elle.

Au-delà de ce beau geste symbolique, Delphine Horvilleur pose les grandes questions de ce moment si difficile à appréhender pour celui qui va mourir et pour ceux qui restent. Préférant l’écoute des familles et des amis aux grands discours philosophiques, elle nous livre un témoignage émouvant sur son expérience de maître de cérémonie des enterrements. Sa jeunesse et son humanité sont réconfortantes. Elle ne nous cache pas qu’elle doit se préserver « en tenant son émotion à distance ; ma présence doit incarner la possibilité d’une stabilité, la promesse d’une continuité. », nous dit-elle .

Un livre simple pour tous, avec un titre qui doit faire réfléchir, et non pas inquiéter.

 

 

Didier DECOIN – La femme du chambre du Titanic

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DECOIN Didier (de l’Académie Goncourt) – “La femme de chambre du Titanic”
(Ed. Seuil 1991)  – Ed. Points Janvier 2021 – 330 pages  –

Un livre (pas récent) facile et joyeux à lire pour une bibliothèque en Milieu Hospitalier, et pour vous lecteurs et lectrices, en panne de lecture.

« C’était la tradition ! Dans la taverne « La tête d’Ecaille », le conteur n’avait qu’à s’asseoir et dire son histoire ; aux autres de faire en sorte que son verre ne soit jamais vide …, jusqu’à ce qu’il eût fini de raconter ». Il s’appelle Horty, ce conteur qui fascine son auditoire. Mais que raconte-t-il ? Vous découvrirez une histoire très originale dans ce livre de Didier Decoin, un auteur que l’apprécie.

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A mon tour d’alimenter la rubrique “Mes lectures de confinement”

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Voici une petite sélection des romans qui m’ont le plus marquée depuis quelques mois.

Le colibri, de Sandro Veronesi : Très beau roman, construction virtuose. Deuxième prix Strega (le Goncourt italien) pour son auteur, le premier était Chaos calme.  Devinette : Le héros est médecin, quelle est sa spécialité ?

Le colibri par Veronesi

Le Train des enfants, de Viola Ardone : Juste après la deuxième guerre mondiale, le parti communiste italien monte une action pour envoyer des enfants misérables du sud de l’Italie dans des familles du Nord. Le narrateur a 9 ans quand il est envoyé dans une famille d’Emilie Romagne, où il est traité comme un fils. Intelligent, doué pour le violon, séjour de rêve. Le retour chez une mère qu’il aime mais qui est dure, enfermée dans son orgueil, lui devient insupportable et il s’enfuit. Devenu un violoniste reconnu, il fait le point lors du décès de sa mère, sur sa vie déchirée entre deux familles. Très émouvant.

Oyana, de Eric Plamondon : Oyana, jeune fille basque, est entraînée un peu par hasard dans un attentat de l’ETA qui tourne mal dans les années 90. Elle doit s’exiler d’abord au Mexique, où elle tombe amoureuse d’un québécois qu’elle suit à Montréal. En 2016 l’Eta rend les armes et elle décide de rentrer en France. Le roman est une longue lettre à son mari, écrit pendant ce road movie le long du Saint Laurent, puis en France (Bordeaux et le Pays Basque), où elle va se retrouver dramatiquement replongée dans son passé.

La Familia grande, de Camille Kouchner : tout le monde connaît le sujet dramatique de ce roman, mais c’est aussi une belle découverte littéraire. A la fois choquant et très émouvant.

Des diables et des saints, Jean-Baptiste Andrea : un jeune ado dont la famille disparaît dans un accident d’aviation est envoyé dans un orphelinat tenu par un jésuite hyper-radical au fin fond d’une vallée pyrénéenne. La vie y est très dure, les sanctions parfois inhumaines, mais le jeune garçon y apprend la fraternité, la résistance à l’injustice, la résilience, et y découvre l’amour. Devenu un pianiste reconnu (très belles pages sur la musique), le vieil homme joue sur les pianos de gare et d’aéroport et raconte. Lisez-le, c’est un beau roman.

C’est tout pour aujourd’hui ! Mes amitiés à tout le monde.